LA RENCONTRE ... (début)

Une pluie d’automne cinglait la fenêtre de gouttes comme autant de larmes coulant sur les joues de la maison. Le chant plaintif du vent filtrait, murmure strident, mélodie toujours renouvelée preuve de son impuissance. Le regard perdu aux rafales qui courbaient les arbres, je restais impassible et immobile, face aux éléments. L’après-midi languissant s’achevait et le tumulte extérieur rendait le calme profond de la chambre d’un ennui encore plus terrifiant. Je me remis à écrire. Il ne me restait plus que quelques heures mais les mots s’accrochaient, refusant le papier. Déjà, un an plus tôt …


La foule se bousculait et les cris fusaient au milieu de ce magnifique marché aux fleurs de Casablanca. La chaleur baignait d’une douce torpeur l’agitation ambiante. Enivré de senteurs, je recherchais des yeux l’indice de sa présence, un chapeau, un chapeau blanc orné d’un ruban vert. Mon cœur battait à tout rompre. Mes mains moites s’agitaient nerveusement, patins inarticulés à la geste fiévreuse.  L’attente de ce moment couperet avait obscurci mon esprit. Qui allais-je rencontrer ?


Il ne s’agissait plus de cette femme virtuelle et de nos contacts quotidiens. De ces instants d’échange pur pendant lesquels la communion de nos deux pensées était totale, sans fausse note, au diapason. Les mots, écris, s’étaient enchaînés les uns aux autres tout naturellement, écho de sensations, de sentiments, de douleurs, de joies et de peines, racontés, disséqués, dépecés, à l’infini. Nos doigts pianotaient les claviers vibrants sous la charge émotionnelle. Il ne s’agissait plus à présent de se dévoiler par écran interposé. Il s’agissait désormais de se voir, de se toucher, de se parler, de reconnaître l’autre en tant que personne vivante avec ses qualités et ses défauts. Qu’allait-il advenir de nous ?


La pluie battait toujours ma mélancolie mais, peu à peu, le souvenir entrouvrit légèrement la chape de mon désespoir, libérant des sensations fugaces mais si réconfortantes. Tel un rayon de soleil se glissant subrepticement dans la chambre sombre au travers des persiennes, l’évocation de la rencontre fit ressurgir l’émotion.  Face à moi, les yeux pétillants sous le chapeau au ruban vert, une femme aux pieds nus me toisait.

 

Soudain, les mots s’écoulèrent comme l’eau d’une rivière, des mots fringants, tumultueux, insoumis. Ils courraient sur le papier. Dehors déjà, s’éloignait la tempête. Un air nouveau soufflait dans la pièce. Il ne s’agissait plus de réaliser ce travail rébarbatif de témoin mais de laisser glisser les souvenirs tels qu’ils venaient. Elle était là et j’étais juste en face d’elle.

 

Nos yeux se croisaient mais nous n’osions pas nous approcher l’un de l’autre, figés dans une contemplation craintive. Je pris une profonde inspiration et mon courage à deux mains et l’appelais.

 

-         Noor ?

 

J’utilisais son prénom, celui qu’il m’avait été de donner de découvrir. Je dois bien avouer que cela avait été vraiment délicat mais il m’avait suffit d’une lettre, le N, et d’une bonne dose d’intuition pour le révéler. Sa découverte m’avait bouleversé comme celui de son premier message :

 

« J'ouvre la porte, tape un petit coup, personne ne répond. Je passe la tête : " euh … il y a quelqu'un ? ". Personne apparemment, j'avance, met un pas dans ton nid, puis un deuxième. Tourne la tête de tous côtés, rien à voir, tout est encore noir, il n'y a pas encore suffisamment d'images pour te composer dans ma tête, te donner une forme. Tiens un siège ! Je m'y installe, ouf ! Assise au milieu du noir, amusant ça !!

 

Bon, je croise les jambes, non finalement les décroise, il faut que je me mette à l'aise, je n'ai pas l'habitude d'entrer chez les oiseaux ...

Attends j'allume une cigarette, voilà ... Attends encore, je mets un CD, une petite merveille que je rêve d'écouter depuis deux jours ... voilà ... mmm ... Musique proche orientale chrétienne, véritable carrefour des civilisations, tout y est : l'orient et l'occident, rythme d'ici et d'ailleurs. Le rêve que certains caressent de faire, un monde de mélanges, où les différences se mêlent avec harmonie, cette musique y arrive sans fausse note ... »

 

A sa lecture j’en frissonne encore …

 

Cette incursion dans ma messagerie m’avait fait l’effet d’une bombe. En déplacement professionnel à l’époque, mon nid n’était en fait qu’une chambre d’hôtel sans beaucoup d’intérêt. Imaginer la présence d’une inconnue dans cet espace impersonnel mais si intime m’avait bouleversé. Je restais figé à lire et à relire ce texte et y découvrait à chaque lecture une nouvelle raison de m’émerveiller. Elle poursuivait ainsi :

 « Je trouve un peu bizarre cette correspondance entre une puce et un busard, de quoi pourront-ils donc parler ? On se cache derrière des pseudos pour fuir une réalité, mais elle nous rattrape quand il faut à nouveau devenir de chair. Me permets-tu de t'appeler Taïr ? Je préfère à Busard, et ... je serais la seule à t'appeler ainsi : ) ...

 Alors, bonsoir Taïr, comment s'est passé ton vol de nuit de trois jours ? Vol de nuit cela veut-il dire pour toi qu'il n'y a alors plus de soleil pendant trois jours. Juste une pause nocturne de réflexions pendant un long vol ?

Et dans quelle partie de la terre t'ont mené tes réflexions ? Dans quels recoins de ta pensée ?

 

Tu m'intrigues Taïr ...

 

Et tu m'amuses par ton excentricité, pourtant je suis entourée de gens encore plus excentriques puisqu'ils le sont dans la réalité : mon père, mon frère et ... moi : )

 

Au fait, je voulais te féliciter pour le crash du vieux coucou Vendredi, criant de vérité, surtout la reprise de l'envol, ça m'a vraiment fait rire ...

 

Ton poème aussi, (comment s'appelle-t il déjà ?), attends je vais aller voir ... " Le choix du dragon ", je le trouve de meilleure facture, j'y ai trouvé un peu du "fou d'Elsa "

 

"Te voilà terre philosophale à mes pieds d'où sort l'orange

Et j'ai peur maintenant de trop bien comprendre les Mauvais Anges

Séduit par l'attrait de l'enfer à retrouver l'Andalousie

Je suis envahi tout à coup par un parfum d'apostasie

Grenade à chair de violette et de jasmin dont le vent mène

A moi comme de bains publics une anonyme odeur humaine

Tel est le désir au ventre que j'ai de toi que je me dis

Que pour connaître la senteur du bois il faut une incendie

Et je ne te posséderai jamais autrement pour moi-même

Je suis l'émissaire d'un Roi chargé de te dire qu'il t'aime

Qu'il ira de force ou de gré te prendre bientôt dans ses bras

Te serrer dans ses jambes d'or tant que le ciel en saignera "

 Hum ... c'est beau n'est ce pas ?

 "Tel est le désir au ventre que j'ai de toi que je me dis

que pour connaître la senteur du bois il faut un incendie"

 Voilà, j'ai mis un pied chez toi, timide je le reconnais. Mais je ne me laisse pas facilement apprivoiser, je ne suis qu'une chtite puce ... euh .. stp ne m'écrase pas en rentrant, je suis là, assise dans le noir  : )

 

N . »   

 

La réalité virtuelle venait de me frapper de plein fouet.

 

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C
<br /> <br /> tout simplement beau merci de se très beau partage <br /> <br /> <br /> <br />
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